Antoni Astugalpi

Médiateur de mots, sapeur du son, suceur de sens et dresseur d'idées (en gros)

Réparer les vivants [2014] de Maylis de Kerangal

Le

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Simon part donc avec des copains faire du surf, fait un accident et se retrouve à l’hôpital. Un médecin prend son poste, le matin, et une infirmière est là, qui est nouvelle et s’est faite sauter la veille entre deux poubelles par un ex-amant. Une mère angoissée arrive aux nouvelles. Tout cela tient en peu de mots. On doit être au chapitre trois ou quatre.

Or, cela fait déjà près d’une heure (j’ai le texte en version audio) que je dois me forcer à écouter une écriture fade et pointilleuse, qui prend un soin méticuleux, par besoin de mettre de l’eau dans sa soupe tant les légumes sont rares1, à citer jusqu’aux marques de voiture et de surfs.

Simon noue ses lacets blancs qu’il avait acheté au Leclerc d’Etretat ce fameux jour où les nouilles de chez Lustucru avaient augmenté de 10% d’un coup et qu’il avait pu compenser cette perte en utilisant son bon d’achat qui était resté dans le sac-à-dos qu’il utilise quand il va faire les courses au supermarché, depuis au moins deux mois. Ses chaussures sont belles, presque neuves et dès qu’il a enfilé les deux, il peut se draper de sa veste noir – la râpée – et prendre ses clefs qu’il laisse toujours au même endroit, sur la commode à l’entrée, comme le lui avait appris sa mère depuis tout petit – comme un réflexe conditionné lui avait appris son professeur de biologie en 5ème, M. Petiot. Il était gentil et moustachu, M. Petiot, et même si la classe le chahutait un peu, tout le monde l’aimait bien sans le dire, au fond, et voilà que Simon pense à lui en mettant les clefs dans sa poche de pantalon, sans faire de bruit pour ne réveiller personne de ses parents qui dorment à l’étage de cette maison de 120m2 dans un quartier de classe moyenne normande.

Une fois habillé, il peut se rendre à pas de loup dans le garage blanc un peu passé où à côté de la Xantia HdI 2.0 de son beau-père et derrière deux barils d’eau, il a glissé son surf Billabong, celui qui remplace le Waïkiki de sa jeunesse, avec lequel il a pu apprendre cet art subtil consistant à défier les vagues… ad lib.

Ce n’est pas de l’autrice, auctrice, enfin la nullos, mais ça pourrait c’est comme ça le long de longues plages de remplissage à en vomir des mots par les fesses…

La scribouillarde est comme devant des photos argentiques qu’elle décrit patiemment, mais sans relief, pour faire tenir ce qui ne mériterait sans doute pas plus qu’une nouvelle au format d’un roman (un ROMAN ; le mot doit encore avoir une petite aura de grandeur chez les plus impressionnables) ; comme Valentine Goby avec la Seconde Guerre Mondiale, comme Delphine de Vigan avec la dépression ou le harcèlement au travail, comme Angot avec ses histoires de viol et d’inceste qui n’intéressent qu’elle, la petite Lévy avec sa ridicule histoire de rupture, Claire Castillon et sa vacuité prenant racine dont je ne me souviens plus de rien sinon de mes bâillements, bref comme toutes ces littérairement inutiles qui essayent de se mettre sur la pointe des pieds pour tenter d’être des ombres de Houellebecq, qui n’est lui-même que l’ombre de Céline, qui lui-même n’est pas ma tasse de thé, toute cette littérature est d’une uniforme nullité, et le sujet que choisisse ces incapables (ou leur travailleur de l’ombre) aussi intéressant ou grave qu’il puisse être, ne sauve pas ce lent dépôt poussif de petits riens contés sans talent.

En effet, la transplantation d’organes est sans doute un sujet très intéressant, mais temps que la transplantation d’aptitudes littéraires n’existe pas, certaines feraient mieux de prendre des sujets à leurs hauteurs, des petites amourettes, de la telenovela, de la série TV pour crétins décérébrés. – L’ablation du cerveau dans la génération de l’omni-écran ou la perte irrémédiable de sens que cause à un texte son adaptation cinématographique2), voilà des sujets, tiens…

Pour ma part, je me suis tapé Les heures souterraines de De Vigan en entier, j’ai payé ma redevance en temps à la médiocrité littéraire et n’ayant rien à expier, je répare ce tort en m’épargnant le calvaire kerangalesque.

Mais quelque part, cette littérature de caniveau vendue aux idiots comme des chefs-d’œuvre, l’ameublement du vide par le flot du néant à la télévision, le rien devenu œuvre d’art, tout ça tient du génie ! Il faut être juste avec son époque.

Bande-son

« La ville s’endormait » de Jacques Brel

Notes

  1. Et c’est même dilué à la pisse quand l’autrice (ou son travailleur de l’ombre) n’avait plus d’eau potable sous le clavier, quand on voit les premiers détails scabreux du truc, pour que ça fasse plus réaliste, plus glauque donc plus profond. La réalité c’est que vous nous faites profondément chier avec votre petit glauque de pacotille que vous mettez pour faire genre, histoire de vous croire punk, sans tabou et parlant vrai, mais qui vous ridiculise plus que tout et nous emmerde à en mourir d’ennui, charlatanes sans génie littéraire. ↩︎
  2. Abrutissement et affadissement dont Babelio se réjouit, qui n’est là que pour vendre du livre alacon qui rapporte à des sottes clonées. ↩︎

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