Antoni Astugalpi

Médiateur de mots, sapeur du son, suceur de sens et dresseur d'idées (en gros)

The Argumentative Indian [2004] d’Amartya Sen

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Recueil de 16 articles écrits entre 2000 et 2004, ayant tous traits à l’Inde, son histoire, sa complexité, sa richesse culturelle, on y croise aussi, et c’est bien compréhensible, des thèmes majeurs de l’auteur (inégalités de genre, pauvreté et faim, démocratisme), que Sen a eu la gentillesse (et c’est assez rare pour le signaler, quoique cela devrait être normal quand on respecte ses lecteurs) de retravailler un peu pour cette édition, de manière à éviter certaines répétitions et bien que l’objectif ait été imparfaitement atteint.

Sen, en indien professant en « Occident », tend à montrer que l’Orient est une invention des pays de l’Ouest et que les soi-disant civilisations sont tellement entremêlées que les juxtapositions culturalistes ne peuvent être que des grossières simplifications.
En agnostique, il essaye de défaire le mythe de la spiritualité indienne (opposée au rationalisme individualiste occidental) en rappelant la présence dans la tradition indienne, d’auteurs sceptiques et/ou rationalistes, voire du scepticisme au cœur des textes fondamentaux de l’hindouisme comme le Ramayana et la Mahabharata (au sein duquel se trouve la fameuse Bhagavad Gita) qui sont l’Iliade et l’Odyssée des hindous.
En démocrate, il dénonce l’arrivée au pouvoir du BJP, sorte d’alliance de nationalistes et de fondamentalistes indiens qui revendiquent le caractère hindou (et anti-musulman) de l’Inde (qui est pourtant un pays laïc), ont apporté au pays la bombe atomique et une guerre contre le Pakistan en 2002, qui falsifient les livres d’histoire officiels pour créer une mythologie hindoue, qui fomentent la haine et le repli (croiser une manifestation de cette alliance dans les rues d’Agra, avec moult jeunes embrigadés et des troupes scandant fièrement leurs chants partisans, m’a filé une vraie chair de poule).
En économiste-moraliste post-marxiste rawlsien, il décline ses thèmes majeurs (inégalités, famine, classes et pauvreté, éducation, démocratie) à l’illustration de la situation indienne. Il y estompe peut-être trop le caractère religieux de ces phénomènes en Inde, et s’il ne rejette pas l’ouverture au libre-échange qu’a apporté le ministre de l’économie, Rao, en 1994, ses appels à la démocratie et au financement de l’éducation publique (malgré les pratiques scandaleuses qui enfoncent encore plus l’enseignement public en Inde) relèvent à mon avis de la bienpensance naïve des auteurs socialisants humanistes, demi-libéraux (ou libéraux de gauche) qui tout en acceptant les indéniables bienfaits de l’économie de marché, sont arrêtés par des restes de visions idéalistes (humanistes) qui les font basculer dans le socialisme facile du yakafaukon.

Intéressant, au final, surtout pour les enseignements sur l’histoire de l’Inde, mais une analyse très biaisée par la volonté de démonstration, qui nuit à l’analyse rigoureuse et neutre de son sujet.


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