Antoni Astugalpi

Médiateur de mots, sapeur du son, suceur de sens et dresseur d'idées (en gros)

Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants [2010] de Mathias Enard

Le

dans ,

A partir d’une zone d’ombre dans la biographie de Michel-Ange, et grâce à un travail de documentation sérieux, mais sans tomber dans les travers de l’érudition parfois trop bavarde à la façon d’un Borges, Mathias Enard nous transporte dans la Constantinople du XVIème siècle et nous installe aux côtés de l’artiste durant son étrange séjour. Le style et la façon dont l’auteur aborde (accorde ?) son sujet m’ont évoqué l’architecture intérieure des mosquées : courbe, épurée et juste à peine suggestive. Qu’une odeur de fleur d’oranger passe et le Divin est présent. Le désir lui aussi est dit comme une caresse, tout comme de la ville et de son siècle ne sont évoqués qu’à l’aquarelle : en faire plus dans l’exotisme ou dans la prolixité eût été les desservir.

Pourtant Dieu sait (et toi aussi, à présent, que j’assois à côté du Premier au premier rang de mes confidences) que l’œuvre de l’artiste Italien me laisse de marbre. J’ai visité la chapelle Sixtine avec le même dégoût qui fut le mien lorsqu’on entre dans le cœur de la Mezquita de Córdoba et que le dégueulis d’angelots se répand sur vous, qui veniez d’un endroit si paisible. Et cependant, durant le court moment qu’on passe avec ces personnages, voilà qu’on se prend d’affection pour eux, notamment les deux autres exilés qui désirent ce Franc puant et pourtant génial : une Mauresque du Royaume de Granada et un poète de Pristina.

Lorsque j’ai entendu la dernière phrase, je n’ai pu m’empêcher de me dire : « déjà ? » ; mais mieux vaut qu’Enard nous ait laissé ici, à l’image de l’histoire qu’il nous a raconté, même sans batailles et un seul éléphant de papier, avec une impression de soif plutôt que de satiété. Car ainsi il resterait encore à s’acheter le livre publié par Acte Sud, qui est (comme beaucoup dans la collection Babel) très beau, de se laisser entrainer par une note d’oud et de prendre un billet pour Istanbul…

Tricky, “Hakim”

Un juillet 2013 a eu la chance d’être bercé par cette chanson !

Photo d’entête : “Blast of Colour” Caribb.


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *