1) Voilà, une poussière de bulle c’était ça :

Ça (s’)éclatait, ça disparaissait, ça n’avait pas de consistance.
2) C’était un site anonyme qui était le fruit de deux aspirations différentes.
C’était, d’une part, un îlot asocial qui manifestait une lassitude profonde face aux réseaux sociaux. En effet, qu’a-t-on à faire de compter le nombre de gens qui ont aimé tel ou tel message, comme on va à la chasse aux suffrages dans les régimes politiques putassiers ? Va-t-on entamer un débat sur ces outils ? Ce serait ridicule et aussi dangereux, puisqu’on y a des gens très différents parmi nos contacts qu’on ne cherche pas forcément à réveiller de leur « sommeil dogmatique ». Si encore on pouvait désactiver soutiens et commentaires… Au final, outre un peu de voyeurisme, ces sites ne servent qu’à garder des “liens faibles” avec des gens qu’on a croisé à l’autre bout du monde et avec qui on ne veut pas rompre totalement, au cas où, mais avec qui on n’a plus grand chose à échanger au quotidien, ou des choses si légères qu’on peut les exposer aux yeux de tout un groupe. Du futile, en somme. Des grosses piles de futile, et tout qui nous assomme.
Les amis, les vrais, qu’on peut voir en face à face, il ne faut pas s’en priver, sinon se parler via la médiation d’un outil Internet est triste ou relève d’un narcissisme puéril, mise en scène de soi sous forme d’appels qui relayent un silencieux mais trop voyant manque d’existence.
D’autre part, c’est bien aussi de pouvoir mélanger les genres, de varier le plus et le moins sérieux, parler de tout et de rien, de tenir de manière épisodique et lacunaires une météo de ses humeurs, de ses émois, quelque chose comme un journal intime mais qui ne mériterait pas d’être publié (pas même gratuitement) s’il n’y avait que ça. Avec ce site, il était possible de dire certaines choses qui me tenaient à cœur, et qui dépassaient la zone d’un nombril, mais les dire comme on ne peut le faire dans l’université – elle qui demande heureusement plus de patience –, ni dans la littérature qui demande une structure construite.1
3) Dans les deux cas, l’anonymat est gage de sincérité. C’est grâce à lui qu’on est libre de s’exprimer. Michel Foucault2 n’a pas tort sur toute la ligne : le nom propre c’est bien, mais à partir de quand ça a déconné ? A partir de quand s’est-on pris le cordon ombilical autour du cou jusqu’à s’étouffer avec ?
Ne pas pouvoir être contacté, de même, est nécessaire. Sinon ce serait déplacer sur un autre site, l’idée de dialogue ou de débat, qu’on a fuit. Ce serait aussi vain d’attendre sourdement un répondant. Des éloges et voilà l’ego ferait le paon : on est assez ridicule comme ça, n’y soyons pas poussé. Des critiques ? Eh quoi ? On clôt aussi certains débats d’un doigt. Ou deux lorsque la victoire est emportée.
Mais alors pourquoi ne pas le laisser dans un traitement de texte sur son disque dur et ne jamais le publier ? Va savoir. Comme hurler en silence. L’avoir fait, être heureux. Se voir dans un reflet et ne plus savoir au bout de cinq minutes quel côté du miroir est le plus réel. Classique. La vida es un sueño. Mais avoir besoin d’un reflet.
Et puis se supporter, n’est-ce pas apprendre à jongler avec ses contradictions ?
***
Maintenant, arrête-moi :

Notes
- A moins d’être un nom reconnu et dès lors de pouvoir publier ses listes de courses que la plèbe ébahie ira acheter. ↩︎
- « Qu’est-ce qu’un auteur », 1969, dans les Dits et écrits. ↩︎
Photo d’entête : « Buller » par @ S@ndrine

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